Copinage, coquinage, et un peu d'herbe à bon dieu
Rubrique copinage. Et coquinage comme disait Georges Marchais. Le roman de Jean-Louis Rabou (1), le premier parait-il, parle lui aussi d'Amérique, le voilà donc croqué au milieu de nos chroniques indianapoliennes.
Commençons par la quatrième de couverture là où il est écrit " Adieu le journalisme" en italique et en helvética - putain que c'était bien le Quotidien (2) du temps de l'italique et de l'hélvética. Ouais, quel crédit accorder à un type qui se présente sous ses fameuses trois lettres J-L R: "A 55 ans, adieu le journalisme" alors qu'il y revient, depuis le 1er mais dernier, comme grillon en été, sous le titre de directeur du J (3) ? Le fait est que Jean-Louis Rabou a occupé une partie de sa parenthèse extra-professionnelle depuis son départ du Quotidien le 30 juin 2005, à écrire. Que l'on appelle ça du journalisme ou de la littérature, qu'importe finalement. Les mots sont une vaste plaisanterie, la réalité est que l'auteur est un écrivain intrinsèque, comme dirait Jean-Pierre Rives. Et il pourrait être enregistré comme charcutier sur les registres du commerce qu'il serait encore écrivain.
Bienvenue donc dans la charcuterie Jean-Louis Rabou où la grande et la petite actualité du monde est découpée en tranches et exposées sur les étals comme "un chat qui se lécherait le derrière avec la volonté évidente de choquer" pour voler l'une du million d'images du bouquin. Le verbe rabousien s'est habillé du costume du roman et "L'herbe à bon dieu" en est un. Avec ses héros, Dieu, Astride, Victor, l'évêque, l'imam, le rabin, et tant d'autres. Avec son intrigue, la fin de l'humanité. Avec ses atmosphères, du sexe et des larmes... Et le parti-pris de rire du tragique.
Mais, mis à poil, le verbe rabousien est étonnamment le même en édition reliée que sur papier journal. Les éditos d'avant, ceux d'aujourd'hui et ceux qui viendront, précèdent et continuent le même conte de l'île Sainte-Christe évidemment réunionnaise car placée au milieu du monde. Il n'y a ni d'autres îles, ni d'autres mondes. "D'une île au monde", comme dirait Popaul.
"L'herbe à bon dieu" est un conte fantastique où, paradoxalement tout est vrai, cru, dégueulasse parfois, souvandéfoi. Un conte du métissage qu'il soit violent ou sucré dans un style volontiers hallucinogène.
A cet endroit de ma première critique littéraire - ben oui on peut pédaler comme un boeuf le matin et se la jouer "Apostrophe" le soir - je vais vous lire un passage de J-L R. Je prends mon souffle, recherche la page, et voilà:
"Les camionneurs jouissaient derrière le pare-brise, excités par le soleil qui irisait la transpiration d'Astride. Ils imaginaient sa vulve béante, mangue écrasée tombée de l'arbre, et partirent dans un éclat de rire qui les secoua à s'ouvrir les arcades sourcilières. Elle se cramponna de toutes ses forces à son guidon, rentrant le cou dans les épaules, le souffle court, mais sa roue partit dans un trou, basculant son corps tête en avant dans le précipice. Horrifiés, les témoins de l'accident hurlèrent à l'assassinat et l'écho prolongea leurs cris et leurs jurons jusqu'au rouleau des vagues derrière le lagon.
- Té troudbal!
Duchalson, passe encore, mais la petite.
- Té troudkul!"
Voilà, ça vous a plu. Vous en voulez encore? Je vous l'emballe dans du papier quadrillé? Ne soyez pas triste, la mort accidentelle d'Astride la précipitera dans la couche de Dieu qu'elle dépucellera joliment... Le charcutier Rabou passe les trois religions monothéistes dans sa moulinette avec l'effort désespéré d'être un jour compris de ceux qui ont fait du statut d'offensé l'une de leur principale identité. Souviens toi, lecteur réunionnais, de l'Ayatollah satanique (4)... Il est caché dans la foule qui grouille au milieu de l'herbe à bon Dieu.
En conclusion, "L'herbe à bon dieu" est dans le pré, cours y vite, cours y vite. Dépêche toi de l'acheter ou de la piquer. Vous étiez prévenus, c'est du copinage. Coquinage.
Etonnant, une photo de Jean-Louis Rabou au ciel, là où on ne sait pas quel âge ont les gens. (Tape Jean-Louis Rabou dans Google image et tu la trouveras toi aussi).
(1) L'herbe à bon dieu ou Sainte-Christe, collection "Autour du monde" aux éditions Orphie.
(2) Le Quotidien, né en 1976, est le plus jeune, et encore, le plus lu des journaux de la Réunion.
(3) Le J, ou Journal de l'île de la Réunion, le plus ancien quotidien encore vivant de la Réunion, au passé conservateur puis volontiers populiste.
(4) L'ayatollah satanique fut le titre de l'édito qu'écrit Jean-Louis Rabou lorsque l'ayatollah Khomeini prononça sa fatwa de mort contre l'écrivain Salam Rushdie. Un titre qui indigna une partie de la communauté musulmane de la Réunion.
Commençons par la quatrième de couverture là où il est écrit " Adieu le journalisme" en italique et en helvética - putain que c'était bien le Quotidien (2) du temps de l'italique et de l'hélvética. Ouais, quel crédit accorder à un type qui se présente sous ses fameuses trois lettres J-L R: "A 55 ans, adieu le journalisme" alors qu'il y revient, depuis le 1er mais dernier, comme grillon en été, sous le titre de directeur du J (3) ? Le fait est que Jean-Louis Rabou a occupé une partie de sa parenthèse extra-professionnelle depuis son départ du Quotidien le 30 juin 2005, à écrire. Que l'on appelle ça du journalisme ou de la littérature, qu'importe finalement. Les mots sont une vaste plaisanterie, la réalité est que l'auteur est un écrivain intrinsèque, comme dirait Jean-Pierre Rives. Et il pourrait être enregistré comme charcutier sur les registres du commerce qu'il serait encore écrivain.
Bienvenue donc dans la charcuterie Jean-Louis Rabou où la grande et la petite actualité du monde est découpée en tranches et exposées sur les étals comme "un chat qui se lécherait le derrière avec la volonté évidente de choquer" pour voler l'une du million d'images du bouquin. Le verbe rabousien s'est habillé du costume du roman et "L'herbe à bon dieu" en est un. Avec ses héros, Dieu, Astride, Victor, l'évêque, l'imam, le rabin, et tant d'autres. Avec son intrigue, la fin de l'humanité. Avec ses atmosphères, du sexe et des larmes... Et le parti-pris de rire du tragique.
Mais, mis à poil, le verbe rabousien est étonnamment le même en édition reliée que sur papier journal. Les éditos d'avant, ceux d'aujourd'hui et ceux qui viendront, précèdent et continuent le même conte de l'île Sainte-Christe évidemment réunionnaise car placée au milieu du monde. Il n'y a ni d'autres îles, ni d'autres mondes. "D'une île au monde", comme dirait Popaul.
"L'herbe à bon dieu" est un conte fantastique où, paradoxalement tout est vrai, cru, dégueulasse parfois, souvandéfoi. Un conte du métissage qu'il soit violent ou sucré dans un style volontiers hallucinogène.
A cet endroit de ma première critique littéraire - ben oui on peut pédaler comme un boeuf le matin et se la jouer "Apostrophe" le soir - je vais vous lire un passage de J-L R. Je prends mon souffle, recherche la page, et voilà:
"Les camionneurs jouissaient derrière le pare-brise, excités par le soleil qui irisait la transpiration d'Astride. Ils imaginaient sa vulve béante, mangue écrasée tombée de l'arbre, et partirent dans un éclat de rire qui les secoua à s'ouvrir les arcades sourcilières. Elle se cramponna de toutes ses forces à son guidon, rentrant le cou dans les épaules, le souffle court, mais sa roue partit dans un trou, basculant son corps tête en avant dans le précipice. Horrifiés, les témoins de l'accident hurlèrent à l'assassinat et l'écho prolongea leurs cris et leurs jurons jusqu'au rouleau des vagues derrière le lagon.
- Té troudbal!
Duchalson, passe encore, mais la petite.
- Té troudkul!"
Voilà, ça vous a plu. Vous en voulez encore? Je vous l'emballe dans du papier quadrillé? Ne soyez pas triste, la mort accidentelle d'Astride la précipitera dans la couche de Dieu qu'elle dépucellera joliment... Le charcutier Rabou passe les trois religions monothéistes dans sa moulinette avec l'effort désespéré d'être un jour compris de ceux qui ont fait du statut d'offensé l'une de leur principale identité. Souviens toi, lecteur réunionnais, de l'Ayatollah satanique (4)... Il est caché dans la foule qui grouille au milieu de l'herbe à bon Dieu.
En conclusion, "L'herbe à bon dieu" est dans le pré, cours y vite, cours y vite. Dépêche toi de l'acheter ou de la piquer. Vous étiez prévenus, c'est du copinage. Coquinage.
Etonnant, une photo de Jean-Louis Rabou au ciel, là où on ne sait pas quel âge ont les gens. (Tape Jean-Louis Rabou dans Google image et tu la trouveras toi aussi).
(1) L'herbe à bon dieu ou Sainte-Christe, collection "Autour du monde" aux éditions Orphie.
(2) Le Quotidien, né en 1976, est le plus jeune, et encore, le plus lu des journaux de la Réunion.
(3) Le J, ou Journal de l'île de la Réunion, le plus ancien quotidien encore vivant de la Réunion, au passé conservateur puis volontiers populiste.
(4) L'ayatollah satanique fut le titre de l'édito qu'écrit Jean-Louis Rabou lorsque l'ayatollah Khomeini prononça sa fatwa de mort contre l'écrivain Salam Rushdie. Un titre qui indigna une partie de la communauté musulmane de la Réunion.