Route XXL

Publié le par Franck Cellier

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Dans le Nouvel Obs d'il y a quelques semaines, une ministre ou sous-secrétaire d'Etat fançaise à l'environnement — loin de moi l'idée de dévaloriser la personne ou la fonction en cette ère de «présidence Luna Park» mais j'ai tout bêtement oublié de qui il s'agissait — commentait le dernier accord international pour la planète en glissant que les Américains avaient désormais accepté l'idée qu'il faudrait changer leur style de vie. Al Gore a fait du bon boulot donc. Vu de chez nous, où l'on s'enthousiasme pour le vélo de ville et le tram-train, on ne peut évidemment que comprendre et croire en la rédemption américaine. C'est vrai, à leur place on n'aurait pas pu rester éternellement dans la catégorie des «gros et cyniques pollueurs».


Eh bien moi, qui ne connais pas encore l'Amérique, je n'y crois pas et je comprends pourquoi il est inconcevable qu'un représentant américain signe comme ça, sans broncher, les accords de Kyoto. Je m'en suis convaincu pendant les quinze heures qui ont suivi ma descente d'avion à New-York. C'était la veille de Noël et je devais me rendre à Indianapolis, à plus de 700 miles (1 200 km). Pas d'avion. Pas de bus facile à trouver. Pas de train (je ne sais pas encore si ça existe).

Ne restait que la voiture, moyen de transport le plus simple à trouver. Aucun peuple au monde n'a, à ce point, dressé la bagnole au pinacle de ses idéaux. Et pourtant il y a de la concurrence. On peut conduire à 16 ans. On peut conduire sans savoir changer les vitesses grâce aux boites automatiques généralisées. On peut s'acheter une voiture pour quelques centaines de dollars. On peut remplir le réservoir de son 4x4 boulimique sans trop souffrir vu que le litre de sans -plomb coûte moins de 60 centimes d'euros (3 dollars pour un gallon de 3,78l).


Démocratiquement, pendant des siècles, les citoyens des Etats-Unis se sont choisi ce style de vie: la liberté de bouger, les grands espaces à dévorer, la route en XXL (comme les cheeseburgers)... L'économie et l'organisation sociale du pays se sont construites en fonction de cette incompressible volonté de liberté sur essieux surmontés de gigatrucks, de limousines, de Hummer ou de coupés sport. Bien sûr qu'ils défendront cette liberté, c'est la démocratie à l'Américaine, la loi des plus nombreux. Le pire des systèmes à l'exclusion de tous les autres comme disait Churchill.

Dans ma petite voiture de location, doublé, entouré, chaudement serré par les géants de l'autoroute, j'imaginais la réaction de ces sympathiques routiers — sont-ils encore syndiqués comme du temps de la mafia? J'imaginais comment notre ministre ou sous-secrétaire d'Etat bomberait le torse devant eux pour leur intimer l'ordre de charger toute leur cargaison sur un train nature-friendly. C'est pas gagné.

Franck CELLIER

Publié dans Environnement

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